6 août 2012

Compassion mêlée d'Angoisse



Confronté à certains comportements parfois extrêmes que des personnes catégorisées comme "malades" peuvent adopter, ainsi qu'à la détresse profonde de ces mêmes personnes lorsque la lucidité leur revient, je ressens ce mélange si particulier d'émotions a priori contradictoires.

Leur douleur, leur détresse résonnent en moi, j'ai mal pour elles, avec elles. Appelez cela de la pitié, de la sympathie, de la compassion peu importe. 
Les yeux hagards, le corps fatigué jusqu'à brisé, l'âme torturée, la détresse de se rendre compte que l'on n'a pas le contrôle de ses actes, la honte d'avoir fait du mal autour de soi, et ce contre sa propre volonté, la peur de voir ce schéma se perpétuer...

Je ne souhaiterais pas ce supplice à mon pire ennemi, si j'en avais un.

Et l'ampleur de la tristesse que je partage avec ces personnes n'est pas exprimable.

Rare de se retrouver aussi désemparé devant la souffrance d'un être...



De plus, cette faculté de partager intimement le ressenti d'autrui a la conséquence fâcheuse de brouiller la limite généralement si claire et évidente (mais finalement peut-être illusoire) de l'identité, de l'individualité.

Peut-être est-ce un mécanisme de défense voué à rétablir la frontière, peut-être s'agit-il d'une poussée d'égoïsme, d'égocentrisme, ou qu'importe...

Mais la question surgit, telle un éclair aveuglant au travers de la pluie tropicale de ce milieu de nuit: 

Et si c'était moi?

Peur, Angoisse...

Et si demain, je me réveillais dans la peau de cet autre?
Et si la continuité (relative certes) de ma conscience commençait à faire des ellipses?
Et si mes actions ne dépendaient plus de moi?
Et si je faisais du mal aux êtres qui me sont chers?
Et si je retrouvais la vue seulement après les faits?
Et si je savais que ça allait recommencer, encore et encore?

Qu'est-ce que je ferais de mes instants de lucidité?
Que me resterait-il?
Quel échappatoire?
Qui protéger?
Et comment?


Je ne sais pas encore quelles réponses, quelles actions, quelles conséquences je choisirais dans une telle situation.
D'ailleurs, qui peut savoir?


Ce qui me reste maintenant, c'est la conscience de l'infinie valeur de ma propre vie, telle que j'ai la chance de la vivre aujourd'hui, maintenant.
Cette vie pas toute rose, cette vie mouvementée, cette vie ardue parfois, cette vie c'est la mienne.
Et j'ai la possibilité de la contrôler, d'en faire une vie bien.

D'être quelqu'un de bien.

Qui ne s'est jamais entendu dire qu'il faut profiter de l'instant présent, que demain peut être déjà trop tard, que la mort ne prévient pas, qu'il faut cueillir le jour (ô Épicure...) ?

Je l'ai entendu souvent.
Je l'ai pensé parfois.

Mais rarement je n'ai eu aussi intimement conscience de cette chance qui m'est donnée, et de la responsabilité qui va avec.

Responsabilité de faire que cette Vie soit belle, qu'elle soit bonne, qu'elle profite aux autres, qu'elle apporte quelque chose non pas à moi, mais au monde.

Et ce, avant qu'il ne soit trop tard, avant que ma vie ne m'échappe.
Car elle m'échappera tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre.



Et maintenant?

Maintenant j'ai du boulot.

Le temps presse, le temps importe peu, le temps n'existe pas.
Seule la vie compte.

Ces mots restent des mots, tant qu'ils ne sont pas matérialisés par ma volonté, par mes actes, par ma vie.



Il me reste à prier le ciel pour que ma vie ne m'échappe pas, pas encore, pas comme ça.
Il me reste à me montrer digne d'elle.
Il me reste à Vivre.




Et il me reste aussi, au fond de moi, cette Compassion mêlée d'Angoisse.





1 commentaire:

Lux (3.0, version bêta) a dit…

Je l'ai vécu aussi. D'abord la compassion mêlée d'angoisse, l'amour de la vie (t'es-tu jamais demandé ce que signifiait ma bague ?) et ensuite... cette chute, l'abîme, incontrôlable, renouvelé, sans savoir quoi faire ni comment le mettre en mot, sans pouvoir complètement contrôler...heureusement, la chute ne fut pas jusque dans les abysses que tu mentionnes, mais tout de même... comment vas-tu, cher Aldébaran, belle étoile orange ayant déjà vu plein de choses ?

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